mardi 8 mai 2007

Rick Moody nous dit son admiration pour Beckett

Regarding Beckett

Beckett was at the centre of a contemporary dancing project we did with Maggy Marin’s dance company. In our class, the opinions concerning this writer were varied.
Some of us didn’t like Beckett’s “dry” and oppressing writing style and wondered if he wasn’t writing just to write something. Others liked his modernity, his originality. That was not a book to be read but rather to be performed.
For your writing of “Drawer” and “Boys”, didn’t Beckett influence you?

Beckett has been hugely important for me. In college, he was the writer above all others. At a certain point, I had to stop reading him, because he was TOO influential. It was obvious. With these sorts of things you have to let the influence kind of dwindle away after a while. So I haven't read him as much in the last fifteen years or so. But I still love him. I think maybe he is not as good for teenagers as for young adults, and I suspect that some of those who resisted him in this encounter will like him better in ten years.


    En ce qui concerne Beckett :

Beckett a été au centre d’un projet de danse contemporaine que nous avons réalisé avec la compagnie de Danse de Maggy Marin. Dans notre classe, les opinions sur cet auteur étaient variées. Certains d’entre nous n’aimaient pas le style d’écriture sec et oppressant de Beckett et se demandaient s’il n’écrivait pas juste pour écrire quelque chose. D’autres ont aimé sa modernité, son originalité. Ce n’était pas un livre à lire mais plutôt un livre à mettre en scène.


Lorsque vous avez écrit les nouvelles : « Le Tiroir » et « Les Garçons », étiez-vous sous l’influence de Beckett ?


Réponse : Beckett a été très, très important pour moi. A l’université, il était l’écrivain qui surpassait tous les autres. A un certain moment, il a fallu que j’arrête de lires ses œuvres car il avait trop d d’influence sur moi. C’était évident. Dans ces cas là, il faut laisser un certain temps pour que l’influence diminue en quelque sorte. Dans les 15 dernières années environ, je ne l’ai pas lu autant. Je crois qu’il n’est pas aussi intéressant pour les adolescents qu’il l’est pour les adultes. Et je crois que certains de ceux qui ne l’ont pas rencontré tout de suite à l’adolescence l’aimeront d’autant plus dix ans plus tard.

lundi 16 avril 2007

"Nuit Hawaïenne"

"Nuit Hawaïenne" : voici un titre qui s'annoncerait comme point de départ d'une aventure quasiment idyllique. Le lecteur s'imaginerait en effet être plongé au coeur de l'histoire de plusieurs protagonistes eux-mêmes déboulés dans des décors dépaysants et paradisiaques.
Mais, au fil des lignes, l'apparence de carte postale se trouve vite révélée sous son vrai visage.
Rick Moody nous décrit en effet une ambiance bon enfant, aux limites du ridicule, de l'américain moyen en vacances, cherchant le divertissement à tout prix et en proie à une insouciance dérisoire. L'exemple parfait est celui d'une vacancière qui meurt noyée, dans l'enceinte même de ce village de loisir, pendant que d'autres, à quelques mètres, se gavent de nourriture bon marché et se dandinent inlassablement jusqu'à l'épuisement.
Au-delà, l'auteur semble dénoncer notre société, de plus en plus individualiste et où les malheurs d'autrui nous indiffèrent tant qu'ils ne se dévoilent pas à nos yeux et également que notre grandissante soif de bonheur se trouve, quant à elle, pleinement assouvie.

Céline K.

Question sur l'utilisation de l'ironie

Why do you use so much irony?
I prefer to think of what I do as ambiguous rather than ironical. I think people understand irony, these days, to imply that the manifest meaning and the "actual" meaning of a sentence are diametrically opposed. That is, people think that I mean exactly the opposite of what I appear to mean. I prefer to imagine that my meanings are ambiguous. They are more complicated than they appear. In this sense, then, I imagine I have multiple meanings rather than a simple manifest meaning, or its opposite. And I write like this, I suppose, because I am constantly being bombarded by cultural language (television, movies, advertisement) that I know to be baldly deceitful. This tends to make me suspicious of some language.
I will look forward to meeting you all in May!


Pourquoi utilisez-vous autant d’ironie ?

Je préfère croire que ce que je fais est ambigu plutôt qu’ironique. Je pense que de nos jours, les gens appellent ‘ironie’ le fait que le sens littéral et le vrai sens d’une phrase soient diamétralement opposés. C’est à dire que les gens pensent que ce que je veux dire est exactement le contraire de ce que je semble dire. Je préfère m’imaginer que ce que je veux dire est ambigu. Le sens réel est en réalité plus compliqué que le sens littéral. Ainsi donc, j’imagine que l’on peut interpréter ce que j’écris de multiples façons et non pas d’une seule façon qui serait littérale, ou bien qui serait son opposée. Et j’écris comme cela, je crois, parce que je suis sans cesse bombardé par la langue des média (télévision, cinéma, publicité) que je considère comme du pur mensonge. Cela a tendance à me rendre méfiant par rapport à une certaine forme de langage. Je serai ravi de tous vous rencontrer au mois de mai.



vendredi 13 avril 2007

Question sur le thème de l'amour

How do you regard the theme of love in DEMONOLOGY?

I'm all for love. But I don't think love is as simple as we are led to believe in, for example, Hollywood cinema. Love is complicated, uncomfortable, and, as the theologian Paul Tillich noted, "to love" is a verb. I don't have much truck with a phrase like "in love." I am more interested in it as an active state, and one that is largely selfless. You love because it makes you better to love, and love is better given than received. (This answer may be very hard to translate, because there's a lot of idiomatic English in it. I apologize!)

Comment considérez-vous le thème de l’ amour dans Démonologie ?

J’aime bien l’amour. Mais je ne crois que l’amour soit aussi simple que ce que le cinéma hollywoodien nous le laisse entrevoir. L’amour est compliqué, inconfortable et, comme le faisait remarquer le théologien Paul Tillich : "aimer" est un verbe. Je ne suis pas très attiré par une expression comme : "être amoureux ". Ce qui m’intéresse plus, c’est cet état en devenir, un amour qui est dépassement de soi. Vous aimez l’autre parce que cela vous rend heureux d’aimer, et d’ailleurs l’amour gagne plus à être donné que d’être reçu.(Cette phrase est peut-être très difficile à traduire, parce qu’il y a des tournures idiomatiques. Je m’en excuse.)




lundi 9 avril 2007

Question sur le mariage et les sentiments

In DEMONOLOGY do you criticize “marriage”?
No, but I think marriage is a mixed blessing.

Why do your characters speak about their feelings so much?
I weren't aware that they did. However: when I was growing up no one much talked about how they felt. Where I come from in the Northeast people are very indirect about their feelings. Perhaps I am rectifying the situation.

Dans DEMONOLOGIE critiquez-vous le mariage ?

Non. Mais je crois que le mariage une bénédiction à double tranchant.

Pourquoi vos personnages parlent-ils autant de leurs sentiments ?

Je ne savais pas qu’ils le faisaient. Cependant, quand j’ai grandi, personne ne parlait vraiment de ses sentiments. Les gens du nord-est, de là où je viens, ne parlent pas de ce qu’il ressentent. Peut-être est-ce que j’essaie de rectifier cette situation.

dimanche 8 avril 2007

Question sur "Les garçons"

Why did you decide to write the story “Boys”?

I didn't really decide. It just happened. It's really a story about how sentences sound. I heard a variation on the matrix sentence of "Boys" at a reading. It came from someone else's story: "Then the boys entered the house." But in that story (a sort of Southern Gothic story), it had a completely different purpose. It was a throwaway line in that writer's story. I made it the centerpiece of mine. I wrote one sentence per day, until I just got too excited and finished up the whole piece.


Pourquoi avoir décidé d’écrire la nouvelle « Les garçons » ?


Je ne l’ai pas vraiment décidé. C’est juste arrivé comme cela. C’est une nouvelle qui parle de comment sonnent les phrases. J’ai entendu des variations sur la phrase-refrain de la nouvelle « Les Garçons » lors d’une conférence. Cela émane de l’histoire de quelqu’un d’autre : « Ensuite les garçons pénétrèrent dans la maison. » Mais dans cette histoire-là (une sorte d’histoire gothique sudiste), cette phrase avait un rôle complètement différent. Dans cette histoire, cette ligne n’avait pas la moindre importance. Alors que moi, j’en ai fait la pièce centrale de la mienne. J’écrivais une phrase par jour, jusqu’à ce que je devienne très excité et que je finisse la nouvelle complètement.


samedi 7 avril 2007

Question sur la deuxième nouvelle

The second short story seem to answer the first one? Is it true or is it just an impression?”

This question I can't answer because I can't remember what the second story is (I am in Cologne at a literary festival today and don't have the book in front of me). I think, however, that there are NO real intentions as regards the relationships between stories in DEMONOLOGY, except insofar as a lot of them have grief in them. But even that was somehow inadvertent. I just couldn't stop talking about grief. Otherwise, you, the readers, make the relationships between the stories. And so far you are doing a good job of it.


La seconde nouvelle semble répondre à la première. Est-ce vrai ou est-ce une impression ?

Je ne peux pas répondre à cette question car je ne me rappelle plus quelle est la seconde nouvelle (je suis à un festival littéraire à Cologne aujourd'hui et je n'ai pas le livre devant moi). Je pense, cependant, qu'il n'y a pas de réelles intentions de ma part en ce qui concerne les relations entre les histoires dans Démonologie, excepté dans la mesure où plusieurs d'entre elles traitent de peine. Mais là encore c'est quelque peu par hasard. Je ne peux pas m'empêcher de parler de chagrin. Par ailleurs vous, lecteurs, établissez les relations entre les histoires. Et jusqu'à maintenant vous faites du bon travail.

Traduction de Tatiana W.

vendredi 6 avril 2007

Quatrième question : la fin des nouvelles

Is there a unity in the fact that your short stories don’t seem to have a real ending?”

I like the revolution that took place in short fiction under the influence of Chekhov (and, to some extent, Babel), the so-called "slice of life" model of the story, in which it was no longer considered "realistic" to have endings as neat and tidy as you might find in, say, Maupassant. Life is not tidy. Thus I would quarrel with the words "real ending" in the question above, because I think it is the "real ending" that is precisely "unreal" and artificial.

"Le manoir sur la colline"

"Le Manoir sur la colline", la première des treize nouvelles composant le recueil Démonologie nous plonge au coeur d'une névrose typique des sociétés occidentales où les habitants sont animés par des sentiments contradictoires les faisant parfois agir de manière irraisonnée. Le personnage caractérisant le plus ce nouveau phénomène de société est Glenda Manzini, directrice d'une entreprise de célébration de mariage, divorcée et ne croyant absolument pas "à l'institution qui lui faisait gagner son pain", celle ci perdant de sa valeur mais étant toujours très prisée aux États Unis malgré le nombre toujours augmentant de divorces.
J'ai apprécié tout particulièrement cette nouvelle car elle dépeint bien la société dans laquelle nous vivons et toutes ses contradictions. De plus, j'apprécie le style moderne et original de l'auteur qui nous plonge dans une ambiance ambiguë, à la fois angoissante et pleine d'espoir. Par ailleurs, je me suis plutôt attachée aux personnages, ayant presque pitié d'eux quand ils sombrent dans leurs névroses.
"Le manoir sur la colline" est la nouvelle que j'ai préférée.

Amélie D.

samedi 24 mars 2007

Troisième question

“Was your goal, when writing this book, to drag us toward the meeting with your vision of America?”

No. Strictly speaking, I had no goal for the book. Because it wasn't assembled as a book until long after some of the stories had been written. Which is to say: there was never, in my mind, a book to speak of, until very late in the process. But neither was it my goal, in composing the individual stories, to drag you toward America. I write mainly about people, and so as to use language in particulars ways. America is just the paintbox, or perhaps the backdrop, that I have used to write in the way I write.


“Why is your writing so detailed ?

Because that's how I like it. As a reader, I like this. It gives me a sense of the world that's being inhabited by the writer.

Votre but était-il, à l'écriture de ce livre, de nous pousser à rencontrer votre vision de l'Amérique ?

Non. Strictement parlant, je n'avais aucune visée pour ce livre, car il n'était pas construit comme un livre avant que certaines nouvelles ne soient écrites. C'est à dire qu'il n'y avait jamais eu, dans mon esprit, à proprement parler un livre, jusqu'à très tardivement. Mais ce n'était pas non plus mon intention, à travers l'écriture de ces différentes nouvelles, de vous tourner vers l'Amérique. J'écris principalement à propos des gens, et cela dans le but de me servir de la langue d'une manière particulière. L'Amérique n'est seulement que la boîte de couleurs, si ce n'est la toile de fond, que j'ai utilisée pour écrire de la façon dont j'écris.

Pourquoi votre écriture est-elle si détaillée ?

Car c'est comme cela que je l'aime. En tant que lecteur, j'aime cela. Elle me donne ainsi la sensation que le monde est réellement habité par l'écrivain.

Traduction de Soraya B.

vendredi 23 mars 2007

Deuxième question : les auteurs de nouvelle qui l'ont influencé

“Which short story writers influenced you?”

Isaac Babel
Grace Paley
Donald Barthelme
John Cheever
Anton Chekhov
Vladimir Nabokov

Quels auteurs de nouvelles vous ont influencé ?

Isaac Babel
Grace Paley
Donald Barthelme
John Cheever
Anton Chekhov
Vladimir Nabokov

Traduction de Leïla B.

mercredi 21 mars 2007

Nouvelle série de questions à Rick Moody : première question sur l'appartenance au genre autobiographique

“If DEMONOLOGY is a book dealing with the relationships between siblings, can we regard this book as being an autobiography?”

No, but you may regard the book as occasionally having autobiographical resonances. And yet sometimes one works out the stuff of one's life WITHOUT telling the truth. That, in fact, was sort of why, and how, fiction was invented. Because sometimes it's the fabrication that tells the truth.
SI DEMONOLOGIE est un livre qui parle des relations entre frères et sœurs, pouvons-nous considérer ce livre comme étant une autobiographie ?

Non, mais vous pouvez considérer ce livre comme ayant parfois des résonances autobiographiques. Et pourtant, on travaille quelquefois sur le vie de quelqu’un sans dire la réalité. Ce qui, en effet, était la raison pour laquelle la fiction a été inventée. Car c’est parfois la fabrication qui dit la vérité.

Traduction de Leïla B.

Compte rendu de la lecture d'un passage de Démonologie lors de la journée portes ouvertes

Lors de la journée portes ouvertes du lycée, nous avons lu ma camarade Camille et moi une partie de la nouvelle "Le Manoir sur la colline". Il s'agit de la première nouvelle de Démonologie.
J'ai choisi la clôture de cette nouvelle car c'est celle ci qui m'a le plus marquée et c'est son histoire que j'ai préférée parmi toutes celles que j'ai pu lire...
En effet, plusieurs éléments m'ont amenée à apprécier de plus en plus cette nouvelle au fil de ma lecture. Tout d'abord son humour cynique m'a conquise car il rendait ma lecture plus légère en dépit du drame qui se lit entre les lignes, la mort récente de la soeur du narrateur. Ce décès est évoqué de manière sobre ce qui ajoute de l'authenticité et de la "poigne" au récit et n'en fait pas un mélodrame exacerbé. De même il m'a semblé intéressant de noter que plusieurs thèmes (résultats du drame) sont évoqués avec finesse dans cet extrait. Effectivement j'ai apprécié l'expression de la violence des sentiments du narrateur dépassé par sa tristesse, son dégoût de l'amour et ses pensées "noires" qui, on peut le croire, n'a pas un comportement que l'on peut qualifier de tout à fait "normal" mais qui nous parait tellement proche de nous, tellement humain... Comme un journal intime il se révèle et on apprend sur lui de plus en plus au fil des pages...Par ailleurs l'amour et ses défaillances sont brillamment traités avec réalisme et espoir l'auteur nous dresse le portrait de personnages en mal d'amour et qui réagissent tous différemment face à ce manque, par le rejet le déni ou la compassion. Aucune de leur vie ne semble facile... Enfin ce qui m'a le plus touchée dans cette clôture de la nouvelle c'est son message d'espoir, son hymne à l'amour, comme dans la chute de ce récit où il nous pousse à aimer encore en s'accrochant à un autre être pour de nouveau entrevoir le bonheur :"j'ai fait ma demande en mariage"...
Durant la lecture j'ai essayé de faire passer à mon auditoire les sentiments que j'avais ressentis lorsque j'ai posé ce livre et que je me suis dit que cette première nouvelle avait une fin géniale ! C'était bien sûr difficile car selon moi il faut avoir lu toute l' histoire pour savoir à quel point "détone" cette fin. En revanche il est toujours très intéressant de transmettre quelque chose à travers les mots d'un auteur qui lui nous a déjà transmis tellement fort cette tranche de vie...

Mariama

mardi 20 mars 2007

Correspondance avec Rick Moody : réponse à la cinquième question : la littérature française

“What do you think about the French literature?”

I'm a fan. As I have said about, I am especially fond of the non-fiction and critical writing of the post-May 68 period: Derrida, Foucault, Barthes, Deleuze, Baudrillard. But I also love Proust, Pinget, Sarraute, Beckett (he was Irish, but wrote in French), Rimbaud, Verlaine, Michel de Montaigne (one of my big heroes, in fact), and Rabelais. More recently, there is Emmanuel Carrere, who is a great writer, I think, and Lydie Salvayre.


Que pensez-vous de la littérature française ?

J’adore. Comme je l’ai déjà dit à ce sujet, j’apprécie particulièrement les œuvres autres que les romans ainsi que les critiques littéraires de la période post-mai 68 : Derrida, Foucault, Barthes, Deleuze, Baudrillard. Mais j’aime aussi beaucoup Proust, Pinget, Sarraute, Beckett (il était irlandais, mais il a écrit en français), Rimbaud, Verlaine, Michel de Montaigne (un de mes grands maîtres en réalité), ainsi que Rabelais. Parmi les auteurs plus récents, il y a Emmanuel Carrère, qui est un grand auteur, je pense, et Lydie Salvayre.

lundi 19 mars 2007

Correspondance avec Rick Moody : réponse à la quatrième question : le titre du recueil

“Why did you choose “Demonology” to be the title of this book and not “Americanology”?”

Because "Americanology" is not an elegant word! Additionally, I would say, as regards this question, that while I live in America, I do not always feel easy about it, and I write about American details because they are the details of my life. But especially in view of my aforementioned feeling that DEMONOLOGY is a book about siblings and grief I would argue that DEMONOLOGY is about people, about the tendency for people to have dark parts of their character (demons), much more so than it is a book about Americans.

Pourquoi avez-vous choisi DEMONOLOGIE comme titre pour votre livre et non pas AMERICANOLOGIE ?

Parce qu’AMERICANOLOGIE n’est pas un mot élégant ! De plus, en ce qui concerne cette question, je dirais que quand bien même j’habite en Amérique, cela ne me met pas toujours à l’aise, et je parle de détails américains parce que c’est le quotidien de ma vie. Mais en fait par rapport à ce dont j’ai parlé précédemment, le fait que DEMONOLOGY soit un livre qui traite des relations entre frères et sœurs ainsi que du chagrin, je dirais que DEMONOLOGIE parle des gens, de la tendance qu’ont les gens à avoir en eux des parties obscures dans leur personnalité (les démons) ; ce serait donc plus approprié de dire cela que de dire que c’est un livre qui parle des Américains.

dimanche 18 mars 2007

Correspondance avec Rick Moody : réponse à la troisième question : la structure de Démonologie

“With ‘Demonology’, why write an anthology of short stories with no apparent link between one another?”

An anthology of stories with an "apparent" link is not, in my view, really a collection of short stories, but, rather, a novel. It is precisely the possibility of variety that makes short stories attractive, as least to me. Having said that, though, it seems to me (in retrospect) that DEMONOLOGY emphatically does have a link, in that the whole of the book (excepting one or two pieces) was written in the aftermath of a great personal tragedy in my world: the sudden death of my sister in November 1995. The opening story, "The Mansion On the Hill," and the last story, "Demonology," deal with this loss directly, but several others stories, whether obviously or subconsciously, are taken up with grief and loss. Relations between siblings are also central to the book. So maybe it is not an an anthology of short stories, after all, but, rather, a novel.

Pourquoi écrire un recueil de nouvelles sans aucun lien apparent entre elles ?

Un recueil d’histoires ayant des liens apparents n’est pas selon moi réellement un recueil de nouvelles, mais c’est plutôt un roman. C’est précisément la possibilité d’avoir des choses variées qui rend les nouvelles attrayantes, pour moi tout du moins. Ceci étant dit, cependant, il me semble – à posteriori – que dans DEMONOLOGY, les nouvelles ont indéniablement un lien entre elles, car l’intégralité du livre (mis à part une ou deux parties) a été écrit peu après une grand tragédie qui m’a frappé ma vie personnelle : la mort subite de ma sœur en novembre 1995. La première nouvelle : « Le Manoir sur la Colline » et la dernière nouvelle « Démonologie » parlent directement de cette perte, mais plusieurs autres nouvelles, que ce soit de façon évidente ou inconsciemment, sont empreintes de chagrin et d’un sentiment de perte. Les relations entre frères et sœurs sont aussi un thème central du livre. Par conséquent, ce n’est peut-être pas un recueil de nouvelles après tout, mais plutôt un roman.


samedi 17 mars 2007

Correspondance avec Rick Moody : réponse à la deuxième question : le genre de la nouvelle

What link do you keep with the ‘short story’ genre?

I assume what you are asking is why write short stories when you could write a novel. I am mainly a novelist, true, and I think I am probably best at writing novels. But it's important to me to have, as a refuge, a form where I can try things, where I can experiment liberally, and where I am not always locked into the obligation to narrate or tell a story. A lot of DEMONOLOGY is about writing with the language first, instead of the story, or even the characters. That attention to style first invigorates me and allows me to return to novel writing refreshed. In the United States, we have a long tradition of short story writing, arguably a tradition more vigorous than its counterpart in Europe, and since I don't favor the kind of specialization in writing that is so popular these days (where poets only write poems and short story writers only write short stories), it is good for me to try new ways of using writing. Thus: short stories. I am also, however, a very keen student of the essay (and of its master and progenitor Michel de Montaigne).

Quel lien entretenez-vous avec le genre de la nouvelle ?

Je suppose que vous me demandez quelle est la raison pour laquelle j’écris des nouvelles alors que je pourrais écrire un roman. Je suis principalement un romancier, c’est vrai, et je pense que je suis probablement meilleur dans l’écriture de romans. Mais il est important pour moi d’avoir un refuge, une forme d’écriture dans laquelle je puisse essayer des choses, dans laquelle je puisse m’essayer librement et dans laquelle je ne sois pas toujours enfermé dans l’obligation de raconter une histoire. Une grande partie de DEMONOLOGY concerne l’écriture à l’aide de la « langue » en tout premier lieu, au lieu de s’appuyer sur l’histoire elle-même ou bien sur les personnages. Cette attention portée tout d’abord au style me revigore et me permet de revenir au roman avec plus d’enthousiasme. Aux Etats-Unis, nous avons une longue tradition en ce qui concerne l’écriture de nouvelles, sans doute une tradition plus forte pour ce type d’écriture qu’en Europe.

Et puisque je ne suis pas très porté sur cette sorte de ‘spécialisation’ littéraire qui est pourtant si courante de nos jours (à savoir que les poètes écrivent seulement des poèmes et les auteurs de nouvelles n’écrivent que des nouvelles), il est bon pour moi d’essayer de nouvelles façons d’écrire. D’où ma tentative d’écrire des nouvelles. Je m’intéresse aussi cependant à l’essai (et au père de l’essai : Michel de Montaigne)

vendredi 16 mars 2007

Correspondance avec Rick Moody : réponse à la première question concernant ses influences

Dear Students of Terminale L,

I am happy to get your note, and honored to be the subject of you class. I especially enjoyed hearing about the other things you are reading. I am a huge fan of Perrault, and also, at the other end of the spectrum, of Baudelaire, and I studied a lot of French philosophy when I was studying at university in the early eighties. I'm especially fond of Roland Barthes (whom you should definitely read if you haven't already), Michel Foucault, and Jacques Derrida.

Also: I have been to Lyons on one other occasion, and I very much enjoyed myself there. It's a beautiful city, very Mediterranean in its feeling, and I loved seeing some of the traces of Roman culture there.


Okay, now onto the questions:


“What are your influences ? Who are the writers who influenced you?”

Well, there are so many that it's somewhat hard to make an exhaustive list. On the one hand, I very much enjoyed, when I was your age, encountering classic American literature of the 19th century: Melville, Poe, Hawthorne, Emerson, and so forth. These works were hugely important to my development as a writer. But once I was began studying at university, I became a confirmed fan of the modernist impulse, and my interests mostly inclined toward James Joyce, Samuel Beckett, Marcel Proust, Franz Kafka, Bruno Schulz, Jorge Luis Borges, and the like--literature that is not strictly speaking realistic, nor conventionally structured. In my middle age, I am now very, very interested in contemporary and 20th century European fiction and literature. I admire, for example, W. G. Sebald, the German writer, and I admire Thomas Bernhard, and, as I said, I like a lot of French philosophy.


Traduction de Vincent :

Traduction du courrier électronique envoyé par Rick Moody le 14 mars 2007

Chers étudiants de Terminale L,

Je suis ravi d’avoir reçu votre message, et très honoré de constituer le sujet de votre cours. J’ai particulièrement apprécié d’en savoir plus sur vos lectures. Je suis un grand adepte de Perrault ainsi que, à l’autre extrémité du spectre, de Baudelaire. J’ai beaucoup étudié les philosophes français lorsque j’étais à l’université au début des années 80. J’aime particulièrement Roland Barthes (que vous devriez vraiment lire si vous ne l’avez pas encore fait), de Michel Foucault et de Jacques Derrida.
Autre chose
: J'ai déjà eu l’occasion de venir à Lyon, et j’avais beaucoup apprécié mon séjour là-bas. C’est une très jolie ville avec une ambiance tout à fait méditerranéenne et j’ai adoré y voir des empreintes de la culture romaine.

OK, venons-en maintenant aux questions :

Quelles sont vos influences ? Quels sont les écrivains qui vous ont influencé ?

Eh bien, il y en a tellement qu’il m’est difficile d’en faire une liste exhaustive.
D’une part, lorsque j’avais votre âge, j’appréciais beaucoup la littérature classique américaine du XIX ème siècle :
Melville, Poe, Hawthorne, Emerson etc… Leurs œuvres ont été des plus importants pour mon évolution en tant qu’écrivain. Mais une fois que je suis devenu étudiant, j’ai commencé à devenir un grand admirateur des courants modernes et mes centres d’intérêt se sont vraiment tournés vers James Joyce, Samuel Becket, Marcel Proust, Frank Kafka, Bruno Schulz, Jorge Luis Borges et d’autres auteurs du même acabit – c’est à dire la littérature qui n’était pas strictement réaliste et pas structurée de façon conventionnelle. Maintenant parvenu à l’âge mûr, je suis très intéressé par la fiction et la littérature européenne du XIXème siècle ainsi que par les œuvres contemporaines ; j’admire, par exemple, W.G. Sebald, l’écrivain allemand, ainsi que Thomas Bernhard, et comme je l’ai dit, j’aime aussi une grande partie de la philosophie française.

Démonologie, présentation

L’écriture de Rick Moody pourrait se classer entre écriture chargée à la Zola et humour cynique et critique dans un style proche de celui de Pascal Garnier. Démonologie fait exception au sein des écrits de Rick Moody puisqu’il s’essaye au genre de la nouvelle :12 nouvelles sans liens concrets pour selon lui « ne pas suivre la trace du roman ». Ces 12 nouvelles, par le biais d’une écriture semblable à celle d’un malade névrosé par les mots et le temps, décrivent l’univers des Etats-Unis non sans pour autant le critiquer. Au-delà de cela , l’écriture de Démonologie est par ailleurs une écriture personnelle et autobiographique : le thème des relations entre frères et sœurs est un thème tenant à cœur notre écrivain américain. Ayant perdu sa sœur, Rick Moody s’exprime, nous livre ses angoisses, ses regrets, dans deux nouvelles dont « Le manoir sur la colline » et « Démonologie ». Cette dimension autobiographique n’est pas pour autant représentative de l’ensemble de ces nouvelles même si ces dernières ont une dimension très personnelle. Rick Moody y glisse aussi une critique de la société américaine mais aussi du monde occidental, par le biais d’un humour cynique, quelque peu angoissant et maladif. C’est aussi un portrait de la société américaine et occidentale dans son ensemble : consommation, productivité, loisir. Pour conclure je vous laisse donc jeter un œil sur ce livre qui pour ma part est un hors d’œuvre au sein d’une littérature contemporaine, cette dernière semblant parfois être une véritable logorrhée verbale, sans but et sans sens, une sorte de nihilisme mondain.


Vincent


Questions sur Démonologie et thèmes de l'oeuvre

Lors d'une première séance sur Rick Moody, nous avons mis en commun les différentes questions qui sont apparues à la suite de la lecture du recueil, ainsi que les thèmes que nous avions repérés.

LES QUESTIONS :

- Pourquoi le titre Démonologie est-il représentatif de l’ensemble de l’œuvre ?

- Pourquoi Démonologie et pas Américanologie ?

- Quelles sont vos sources d’inspiration ? Quels écrivains vous ont influencés ?

- Votre livre est-il dédié à quelqu’un ?

- Pourquoi avoir raconté la vie des « garçons » ?

- Quelle est la part autobiographique de Démonologie ?

- Pourquoi le thème de la famille est-il récurrent dans l’œuvre ?

- Pourquoi vos personnages parlent-ils tant de leurs sentiments ?

- Pourquoi une écriture aussi détaillée ? (sentiments, odeurs, etc..)

- Le thème du banquet vous effraie t-il ? Ou, au contraire, est-il en lien avec celui du regroupement familier ?

- Pourquoi avoir écrit un recueil de nouvelles sans rapport apparent? Quel lien entretiennent-elles entre elles ?

- Quelle période de l’année préférez-vous décrire ?

- Pourquoi autant d’ironie ?

- Pourquoi les circonstances familiales sont-elles souvent sombres ?

- Faites-vous une critique du mariage dans « le manoir sur la colline » ?

- Quels rapports entretenez-vous avec le genre de la nouvelle ?

- Que pensez-vous de la littérature française ?


LES THEMES :

- L’amour

- La famille

Leïla B.et Rachel


jeudi 15 mars 2007

Rick Moody, Présentation...


Rick Moody est né à New York le 18 octobre 1961.

Il grandit dans les banlieues du Connecticut qui sont les espaces scéniques de ses romans.

Il étudie à l'université de New York, puis séjourne en hôpital psychiatrique où il écrit son premier roman intitulé Garden State qui sort en 1992.

Deux ans plus tard il publie Ice Storm qui est un succès, puis écrit d'autres romans ou recueils de nouvelles tels que Démonologie, A la recherche du voile noir ou encore Purple America.

Enfin en 2006 il publie Le Script et est professeur de "Creative writing" : il aide de jeunes écrivains dans leurs créations.